[BG] Julian de Clairbois [BG validé]

« Ne soyez pas tristes mes frères... une vie s'éteint, une autre commence. Je rejoins nôtre seigneur. Même si mon temps passé à le servir sur cette terre fut trop court à mon gout... je ne regrette rien. Mes frères, j'attendrai auprès de lui. Et gardez espoir. »
Syal se sentait s'éteindre... elle qui venait de donner la vie. Cette vie en elle qu'elle n'avait jamais acceptée, sauf sur la fin.
Elle s'était alors dit « mon enfant, tu rachètera le mal qui t'as engendré », pleine d'espoir. La vie qui grandissait en elle ne serait pas vouée au mal comme son géniteur... non. La jeune prêtresse avait fait le vœu d'élever son enfant pour le bien, d'offrir cette graine d'espoir et de renouveau au temple d'Eauprofonde
La jeune femme se dit que cela serait sa dernière offrande. Le tiefflin aurait bien eu sa perte, pour finir... mais cet enfant serait aussi le sien, un jour, elle l'espérait.
La jeune femme déposa un baiser sur le front du petit garçon.
« Sois un espoir, mon chéri... et choisis ton destin, ne laisse pas ton sang te l'imposer. Il y a de l'innocence en toi. »

L'enfant ne présentait, au premier abord, aucun détail physique troublant rappelant l'être maléfique responsable de son existence. Mais Syal le savait; son fils était un tiefflin. Elle remercia Torm de lui avoir épargné les cornes, la peau écailleuse, la queue... d'autres détails viendraient peut-être troubler ce visage enfantin... mais il serait en tout cas élevé dans le droit chemin.

C'était l'offrande ultime de la jeune prêtresse... pour son seigneur comme pour son enfant.
Lentement, elle détacha de son cou son symbole sacré pour le passer au cou du nourrisson.

« Tu es sûre de toi, ma fille? Demanda un des prêtres.
- Oui, mon père. Je vous le demande encore... élevez-le pour le bien. Que le mal en lui ne gagne pas la lutte... une victoire sur les ténèbres.
- Je te le promet mon enfant. »

La jeune prêtresse perdait ses forces de plus en plus. Elle tendit son enfant au prêtre après lui avoir donné son nom et s'éteignit quelques minutes plus tard... alors que le bébé pleurait à pleins poumons, réclamant sa première tétée. A ce moment, l'aube se leva à l'est, inondant le temple de lumière. Le prêtre, l'ancien mentor de Syal, leva l'enfant, le tenant à bout de bras. A ce moment le bébé lui sourit, cessant de pleurer. A peine nés... les enfants ne sourient pas en général... mais le fils de son ancienne élève avait eu, un bref instant, un sourire, alors que la lueur du matin baignait son visage..
« Je comprends ton offrande, Syal... mais j'espère pouvoir le guider et être aussi fier de lui que je le suis de toi. »

Ainsi est né Julian de Clairbois.
Il faillit ne pas vivre bien longtemps. Non qu'il fut en mauvaise santé ni entre les mains d'hommes mauvais ou négligents. Non, le temple de Torm était l'endroit sur Toril ou ce petit être était le plus en sécurité.... alors pourquoi manqua-t-il de ne pas survivre?
La promesse du père Telem à Syal ne manqua pas de créer de... l'animation au temple. Le père de Julian était un tiefflin maléfique, chacun le savait, sa mère en avait témoigné. Beaucoup auraient voulu faire disparaître l'enfant dans les veines duquel coulait un sang maléfique, témoin des souffrances endurées par sa mère...
Souffrances qu'elle n'avait jamais su exprimer, sauf sur la fin. Car la jeune Syal de Clairbois avait disparu pendant des mois, suite à un combat terrible contre un diable et sa suite, invoqués par des ennemis du culte... quand elle avait reparu, la jeune prêtresse était à moitié folle, divaguant, son ventre rond ne trompant pas sur sa condition; elle était presque à terme.
Le soutient de ses frères lui permit de se remettre... et la jeune femme jura d'élever son enfant pour le bien, témoignant d'une terrible captivité, de mois de violences infligées par un Tiefflin servant leur diabolique ennemi..

Julian... avait le sang d'un diable c'était impossible à nier. Cependant, l'absence de détails marquant dans son apparence fit douter les prêtres... doutes encouragés par le discours de Telem, rappelant le souhait de leur sœur, la promesse faite sur son lit de mort.
Les esprits calmés pour un temps, l'enfant fut confié à une prêtresse, Kalina... qui devint une mère pour Julian, mais ce fut aussi elle qui alerta ses frères un peu plus d'un an plus tard.
Car, quand les dents du petit garçon poussèrent, leur forme alerta Kalina, qui, dès qu'elle fut certaine qu'elles étaient bien particulières, montra l'enfant au haut prêtre. Ses dents étaient pointues. Souvent, vous entendrez des mères, mi affectueuses mi grondeuses, parler des crocs pointus de leurs petits démons! Mais ce n'était pas la même chose. La dentition de Julian était particulièrement acérée.
Ce fut le temps mis pour découvrir cela qui sauva certainement Julian. Ses dents ayant commencé à pousser vers ses six mois, le petit garçon avait plus d'un an quand on put se rendre compte de sa particularité. Des crocs...
Le bambin aux boucles blondes riait, marchait, faisait des bêtises, commençait à parler, prononçant maladroitement (en oubliant moult syllabes), les noms de Kalina et des prêtres et novices qu'il côtoyait le plus, ses yeux bleus pétillant d'une malice toute enfantine. Son comportement n'avait, en somme, à ce moment, rien d'étrange, comparé à celui des autres enfants.
Cela posa un problème aux Torméens.
Qui peut prédéfinir le cheminement d'un être? Et si...?
Et si grâce à l'influence du temple, des prêtres, paladins et chevaliers, pouvait-il apprendre à combattre sa nature? Cela ne serait-il pas une victoire contre le mal ignoble imposé à sa mère, que de faire de cet enfant un serviteur du bien?
Il grandissait au temple, un lieu béni du Véritable... cela pouvait-il lui avoir déjà été bénéfique?
Il fut décidé d'accorder à Julian le bénéfice du doute. Pas à l'unanimité: Certains auraient voulu détruire cette chose maléfique qui grandissait au milieu des leurs... D'autres croyant sincèrement que la bonne influence du temple en avait fait un être innocent, désirant lui donner une chance.

L'évolution du petit garçon fut très étroitement surveillée. Les prêtres furent sévères avec lui, bien plus encore qu'avec les autres enfants confiés au temple. Si son enfance ne fut pas malheureuse, elle ne fut pas des plus faciles. Julian apprit bien vite à sourire la bouche fermée, à mettre la main devant sa bouche si par hasard il riait. Prenant très vite conscience de sa différence, l'enfant eut comme premier réflexe de la cacher.
Cela n'était pas sa seule différence avec les autres. On sentait de plus en plus son haleine... qui à la base n'avait qu'un petit quelque chose, imperceptible, de dérangeant. Souffre et chaleur... comme si les feux de Baator brûlaient en lui.
De plus en plus, des pulsions grandissaient en Julian. Comme un désir puissant de faire mal, d'agir en contradiction avec son entourage qui protégeait les plus faibles et punissait ceux qui avaient un tant sois peu la puissance d'imposer leur volonté aux autres, de détruire cette faiblesse de cœur qui l'entourait. Bien sûr, un enfant ne peut contrôler de telles pulsions, elles furent donc bien vite identifiées.
Telem et Kalina, qui tenaient presque lieu de parents à leur petit protégé, réagirent vite. Ils interrogèrent et examinèrent l'enfant jusqu'à ce qu'ils comprennent ce qu'il se passait. Et ils expliquèrent du mieux qu'ils pouvaient au petit ce qu'il se passait en lui.
Mai allez faire comprendre une telle chose à un enfant de 5 ans sans le bouleverser!

Ce que Julian comprit... c'est qu'il y avait en lui une CHOSE mauvaise. Et la CHOSE tentait de faire en sorte que Julian lui ressemble en lui disant de faire du mal aux autres.
On ne pouvait pas faire sortir la CHOSE. Ce serait toujours en lui, il n'y pouvait rien et c'était mauvais.
Le petit garçon fondit en larme, disant qu'il ne voulait pas être méchant, qu'on fasse sortir cette CHOSE de lui, qu'on l'aide...

Il était très petit encore, mais Telem décida alors de lui parler de sa mère. Le prêtre transmit à l'enfant le symbole de sa mère, qu'il avait gardé précieusement. En lui expliquant que si il avait du sang diabolique... il était aussi le fils de la femme la plus merveilleuse qu'il ait jamais connu. Une femme qu'il considérait comme sa fille et qui avait su apporter tant d'espoir autour d'elle.

Il lui expliqua ce que Syal avait espéré pour lui... en racontant à Julian que, auprès de Torm, sa mère veillait sur lui.
Une lueur d'espoir apparut dans les yeux de l'enfant... cependant c'était difficile, trop pour un garçon de son âge... Julian n'était pas comme les autres mais ça, il l'avait déjà compris depuis longtemps. C'était en lui et c'était mauvais, mais il ne devait pas laisser faire ce « mauvais ». Cela fut plus difficile encore à accepter. Mais les prêtres, surtout Kalina et Telem, veillaient.
Comment faire la différence entre le bien et le mal? Comment savoir si ce qu'il désirait était bon ou mauvais?
La réponse des Torméens fut simple: prier! Prier pour recevoir de l'aide, pour écarter les ténèbres de son cœur. Parler de ses pulsions avec les prêtres, apprendre à les reconnaître et à les dominer. Garder espoir, toujours. Ne pas abandonner, la justice triompherait. Et, mentalement, trancher, sans hésitation, frapper cette partie de lui-même, corrompue, qui le poussait au mal. La repousser, la maîtriser. Ne pas laisser le mal prendre racine dans son être.
En Julian apparut, suite à cela, un changement profond.
Il continua d'être un petit garçon pleine de vie... mais une détermination farouche commençait à germer dans son cœur d'enfant. Il avait fait son choix et puisait dans chaque prière un peu plus de force.

Il ne savait, au début, comment différencier ses désirs et ceux de la CHOSE.
Mais les Tormistes l'aidèrent.
Ou est le bien, ou est le mal... le jeune garçon l'apprit au travers de leurs valeurs, des valeurs du Véritable, Bras Armé du Juste.
A force de questions et de réponses, de peurs et de prières, de larmes et d'espoirs, le tiefflin apprit à se connaître et à trouver en lui la force de se battre contre sa nature maléfique. Il finit par l'appeler « Son diable ».
Souvent, on vit donc Julian, à genoux dans le temple, les larmes aux yeux, prier. Sa petite voix souvent enrouée, demandant de l'aide, demandant à trouver le chemin, suppliant de ne pas être mauvais... et l'enfant semblait si sincère, si désolé, que peu à peu, on le prit en pitié. Si le malaise était toujours la quand on s'adressait à lui, on essayait au moins d'encourager ses efforts.
Quand Julian eut six ans, il rejoignit les autres enfants confiés au temple vers cet âge. Ils apprenaient à écrire, à lire, ainsi que le dogme du véritable. Le jeune garçon se plongea dans son étude avec une telle ferveur, une telle assiduité, qu'on aurait presque dit qu'il s'y raccrochait. Trop jeune pour vraiment comprendre le dogme, il comprit cependant que la loyauté, le devoir et l'obéissance avaient beaucoup d'importance pour les Torméens.
Le petit garçon livrait un véritable combat. Intériorisé, personnel, solitaire, mais Kalina, Telem et le haut prêtre, qui le gardaient bien à l'œil, s'en rendirent compte très vite.
L'enfant observait scrupuleusement les règles du temple, s'efforçait de ne pas faire de bêtise, restait à sa place, ne discutait jamais lorsqu'on lui demandait quelque chose. Il aidait les novices qui assistaient les prêtres lors des offices, assistait systématiquement aux prières, aux cérémonies.
Tout cela fut remarqué. La surveillance dont l'enfant faisait l'objet ne se relâcha pas, mais on commença à poser sur Julian un regard différent, au fur et à mesure qu'il grandissait. Toujours torturé intérieurement, il priait dès qu'il sentait une pulsion maléfique s'emparer de lui. A présent il comprenait ce qui arriverait s'il laissait le mal prendre possession de lui-même. Et cela lui faisait peur, il ne le voulait pas.
Julian aimait beaucoup Kalina, Telem et les autres prêtres du temple. Et le petit ne voulait pas avoir peur d'eux. Ils étaient bons et l'enfant ne voulait rien d'autre que leur ressembler... Kalina lui répétait que s'il vivait ce devait être la volonté du véritable, que cela ne pouvait pas être un hasard. Depuis longtemps elle avait vu que les prières de l'enfant l'apaisaient, et disait que Torm l'aidait dans sa lutte intérieure, contre la corruption qui le rongeait. C'était son devoir de lutter et chaque devoir accompli remplissait le véritable d'aise.
La prêtresse le poussait aussi à ne pas haïr cette partie de lui-même. La haine ne rapporte rien, le mal engendre le mal. Non, c'est sans haine que Julian devait continuer cette lutte contre sa nature.
Au fil du temps, Julian apprit à maîtriser « son Diable ». Par la prière, la méditation...
Il répétait la même prière, jour après jour, à chaque fois que le petit se sentait faillir. Et cela l'aidait.

Je suis une graine que ma mère a semé
Son ultime espoir, sa dernière offrande
A moi de choisir ce qui va germer
Mon sang ne me dicte pas mes actes
A dater de ce jour, je serai
Une graine de Droiture
Une graine de Justice
Une graine de Loyauté
Une graine de Protection
Pour combattre le mal
Chaque jour est un pas pour les faire germer
Chaque aube une gorgée d'eau fraiche pour les faire pousser
Le mal ne réside pas dans mon cœur
Car je garde la foi
Je souris à chaque jour nouveau
Car ma vie est un don
Je fais honneur à ce présent
Loyale Fureur, je te dédie ma vie
Je te confie mon âme
Je te lègue mes espoirs
Et mon désir de les propager.

Cette prière, l'enfant l'avait écrite seul.
C'est une voix encore enfantine qui la prononça la première fois, amenant un sourire sur les visages des prêtres, réjouis de voir suivre la bonne voie, heureux de voir que leur jugement avait été le bon... qui peut prédéfinir la destinée d'un être sur sa naissance? Sans qu'ils le lui disent jamais... sa ténacité, son acharnement à ne pas se soumettre à sa nature offrait une grande leçon d'humilité aux prêtres.

Approchant de ses douze ans, le jeune Julian rejoignit les novices. Fort d'avoir réussi à se maîtriser, il désirait se donner cœur et âme au culte, mieux comprendre le dogme, servir la lumière qu'il avait appris à voir, défendre ces valeurs au cout de sa vie si c'était nécessaire.
Les années suivantes, les journées du jeune garçon furent bien remplies.
Levé avant l'aube, il aidait à préparer les offices et lors de ceux-ci.
Les novices continuaient d'étudier le dogme, mais différemment. Il s'agissait de le comprendre, d'en saisir toutes les subtilités. A cause de (ou grâce à...?) son combat intérieur, livré depuis son enfance, Julian possédait déjà une grande maturité. Et il posait des questions, insatiable. Des questions complexes que les prêtres furent surpris d'entendre d'un jeune garçon commençant tout juste son noviciat.
La nature du bien, du mal, de la corruption, l'importance des devoirs de pénitence, quand fallait-il frapper et quand fallait-il aider quelqu'un à surmonter le mal en lui? Quand une loi était-elle injuste? Les réponses ne lui furent pas données aussi facilement. Le novice comprendrait, quand il aurait compris chaque subtilité du dogme, quand il aurait acquis plus de sagesse, les réponses viendraient.
Au lieu d'insister comme le feraient plus tard ses camarades avec leurs propres interrogations, Julian comprit ce qu'on lui répondit et accepta de ne pas se précipiter, de ne pas tout comprendre d'un seul coup. Après tout, Torm l'avait déjà guidé, mais le temps mis à apprendre à contrôler sa nature maléfique avait été bénéfique, lui permettant de comprendre pleinement qui il était, de l'accepter et de voir la lumière.
Mettre le temps de comprendre le dogme ne pouvait qu'être aussi bénéfique.
Julian prit donc le temps d'apprendre, confiant.
Prenant de l'assurance, il cessa de cacher son sourire devant ceux qui savaient qui il était. Le fait de cacher sa nature, par ce geste, devenu inconscient, de mettre sa main devant sa bouche lorsqu'il dévoilait ses dents, le gênait de plus en plus.
Un serviteur de la justice qui se dissimulait? Non, cela ne cadrait pas... mais en même temps, sa particularité effrayait ceux qui n'y étaient pas habitués et gênait ceux qui apprenaient à le connaître. Comment vivre en pleine lumière quand vôtre nature même rebute vos interlocuteurs?

Quand le jeune garçon eu 14 ans, Julian eut une passade, ou cet état le révoltait. Qu'en pouvait-il? Était-ce sa faute si son géniteur (car il n'aurait en aucun cas parlé de « père »), était une chose maléfique? Pourquoi devait-il payer ce sang dont il ne voulait pas, par la méfiance, la peur, le dégout, la haine? Pourquoi son apparence était-elle marquée par ce sang?
Le jeune garçon trouvait le réconfort dans la prière et auprès de Kalina et Telem. Non, il n'y pouvait rien, mais c'était le chemin que le Véritable avait choisi pour le novice, cela avait forcément un but. Cela prit du temps pour Julian d'apaiser ces tourments, mais il finit par s'en remettre à son Dieu. Il lui avait déjà montré la voie, ce depuis son enfance, Julian se devait d'avoir confiance.
Vers cet âge on testa aussi les capacités du novice à manier les armes. Il s'avéra doué pour le maniement de l'épée à deux mains. Préférant le combat à la diplomatie, mais prometteur également en ce domaine. Il se donna cœur et âme à cet apprentissage.
A tel point qu'il fut remarqué par l'un des Paladins protecteurs du temple. La ténacité, la foi profonde du jeune garçon, son ardeur à l'entrainement, plurent à Nazed GriffeCoeur. Et après une longue discussion avec Telem et Kalina, le Paladin vint voir Julian, pour lui poser quelques questions.
Il confirma la volonté du jeune homme de combattre au nom de la justice, de faire valoir les préceptes de Torm, de défendre et soutenir ceux qui en avaient besoin. Nazed lui proposa alors de suivre la voie du Paladinat.
Julian, transporté par cet honneur qui réalisait son espoir le plus fou, accepta de suivre le chevalier, promettant de lui obéir et d'être un élève assidu, discipliné et concentré.

Les années passèrent où cette promesse furent tenue. Le jeune homme possédait déjà une grande discipline intérieure ainsi qu'une foi que peu de choses pouvaient ébranler. Nazed travailla à renforcer ces points forts... qu'il respectait chez son jeune élève.
Une profonde complicité grandit très vite entre le maître et l'élève, ainsi qu'un respect mutuel.
L'acharnement de l'élève à vaincre sa nature maléfique, sa sagesse précoce, son optimisme et l'humour déconcertant qu'il possédait, allié à une grande rigueur et une assiduité que peu d'apprentis possédaient.... conquirent le mentor.
La sagesse et l'expérience du mentor, sa capacité à toujours trouver les bon mots, à se faire écouter autant qu'à tailler son chemin à coups d'épée entre les ennemis.... son oreille attentive, sa compréhension, sa discipline éprouvée... firent de l'élève un observateur scrupuleux de celui qu'il prit comme modèle.
Julian, sous le regard attentif de son mentor, appris à se faire sa propre vision du dogme de la loyale fureur et de ce qu'il était destiné à accomplir. Au fond de lui-même, demeurait le désir d'être accepté, mais il comprit que cela passerait par la franchise, la droiture. C'est en faisant son devoir, sans faiblir, qu'il dépasserait cette image de Tiefflin.
Son propre combat mené contre sa nature maléfique lui avait permis de comprendre les tentations, le déchirement qui torturait ses semblables... et le danger qu'ils représentaient! Toutefois, l'apprenti se jura de laisser sa chance à l'un des siens, un jour, s'il voyait un espoir. Mais il faudrait qu'il soit certain que ce Tiefflin veuille être aidé... il ne savait que trop bien combien c'était difficile.
Nazed appuya particulièrement sur les interdits du paladin. La discipline de son élève lui permettant de les intégrer sans mal... La ligne de conduite stricte du Paladin convenait parfaitement au jeune homme: déjà peu enclin à mentir et à se dissimuler, s'accrochant depuis son plus jeune âge à des concepts d'honneur et de droiture, de compassion et de générosité qui avaient guidé... plus même... soutenu son âme face à la dure épreuve qu'avait été son enfance.
Son mentor en était sûrs: Julian prononcerait ses vœux et remplirait ses mission en faisant honneur à leur seigneur. Le paladin vieillissant en fut profondément touché... lui qui n'avait jamais eu d'enfant laisserait une relève impressionnante derrière lui.
Car Julian... n'avait pas que les capacités d'un Paladin. Celui d'un prêcheur, d'un purificateur également... c'était chose courante chez les Torméens, les prêtres étant appelés « Parangons » pour leurs ligne de conduite proche des Paladins... la plupart des prêtres suivant également cette voie.
La fin de la formation de son jeune et brillant élève se poursuivit entre Nazed et les prêtres. Julian s'y soumit avec ferveur, sûr de lui et de sa voie.

Chaque point du dogme trouvait son explication dans sa propre expérience. C'était rare pour un novice, mais lui permit de mieux appréhender les choses. La chance, unique, qui lui avait été donnée, de vivre en pleine lumière au sein du temple, le jeune homme en fit un exemple pour mieux comprendre...
Sa victoire contre sa nature profonde, l'avait aidé à comprendre la nécessité de frapper fort et juste, sans hésitation. Ce que représentait parfaitement l'épée à deux mains, arme du véritable. Une arme faite pour trancher sans détour, nette, puissante. Lui fit aussi comprendre que le mal ne gagnait pas toujours, que la justice existait et qu'un cœur bon pouvait la répandre. Sachant parfaitement ce que c'était d'être rongé par le mal, le fait de tuer rapidement et sans douleur un traître, d'éliminer la corruption sans hésitation lui paraissait nécessaire, voir un acte de compassion; faire souffrir le coupable, par la manière de mettre fin à ses crimes ou par l'attente trop longue d'un châtiment, n'était tout simplement pas tolérable.
Cela lui enseigna la nécessité d'achever, d'accomplir chaque tâche, chaque devoir. Un devoir négligé, un échec, pouvait créer tant de mal... que serait-il devenu lui-même sans sa victoire sur sa propre personne? Sans doute un être mauvais, s'il avait échappé au temple.
En l'aidant sur sa voie, les prêtres avaient fait preuve de finesse dans leur jugement et d'anticipation... s'ils ne l'avaient fait... aurait-il trouvé le chemin que le Véritable avait choisi pour lui, sans les conseils et le soutient de tous? S'ils n'avaient pas anticipé son évolution, ses tentations et pulsions, aurait-il si bien progressé? Non.
Julian comprenait parfaitement que si sa nature maléfique avait pris le dessus, cela lui aurait valu la mort, sans pitié, sans hésitation. Si cela l'avait fait frissonner dans son enfance, le jeune homme se surprenait à se dire qu'il devrait faire pareil avec la plupart des tiefflins qu'il rencontrerait: Quand il s'agit d'un être maléfique, la pitié engendre l'hésitation qui peut permettre au mal de s'en sortir pour continuer ses méfaits... Non, quand le mal était reconnut il fallait frapper. C'était dur, mais c'était la volonté de la Loyale Fureur, Bras Armé de Tyr... cette appellation n'existait pas pour rien!
Sa division intérieure lui apprit la nécessité d'unir les défenseurs du bien lorsque le mal tentait de les frapper. La division affaiblit, l'union fait la force... mais aussi de lutter contre l'injustice. L'injustice, c'était le mal, l'inachevé, le vide dans le cœur face à un crime, comme Julian l'avait ressentit toute sa vie face à sa nature maléfique. La justice, c'étaient des lois justes, basées sur celle de Tyr, appliquées pour le bien de tous... les lois injustes devaient être corrigées pour leur ressembler, mais sans multiplier les lois inutiles, sans diviser les lois... la division, c'était l'injustice, mais aussi la dispersion qui profitait au mal.
Veiller sur les siens, les êtres bienveillants et sa foi... un être négligé, même bienveillant, peut tourner mal... et sa propre foi était son rempart contre lui-même.
Chaque point, grâce à ces expériences, difficiles certes, fut compris et le jeune homme désirait plus que tout les suivre et s'y appliquait.

A ses 18 ans, Nazed, Kalina et Telem le jugèrent prêt. Un farouche défenseur de la justice, apte à répandre la foi de la loyale fureur. Julian fut donc prié de se préparer pour son investiture.
Le jeune homme suivit le rite à la lettre.
Revêtant la robe la plus sale, la plus misérable qu'il put trouver, se roulant dans la boue, le novice quitta le temple et passa une journée dans le jeune, attendant qu'on vienne le chercher.
La suite, Julian de Clairebois ne l'oublierait jamais. Ramené au temple, lavé de ses impuretés par les Torméens, le Tiefflin ressentit cela comme bien plus que le départ de la crasse qu'il avait sur le corps. Non, c'était son âme qui était lavée. C'était l'aboutissement de toute sa vie passée en cet endroit béni. Le moment fut pour le jeune homme si émouvant qu'il en versa des larmes de joie, comprises par ses frères qui avaient, pour la plupart, assisté à son évolution, l'avaient vu grandir et trouver la foi.
Vêtu de frais, Julian fut présenté au haut prêtre, formellement. Cet instant, solennel, fut suivi par un chant, repris par chaque Torméen présent. Un chant d'espoir. L'émotion faillit le reprendre en cet instant, mais ce fut un sourire éclatant qui éclaira son visage. Et cette fois, personne ne frémit à la vue de ses crocs. Ils ne voyaient plus de tiefflin, ils voyaient un jeune novice, un être bon, prêt à les rejoindre... presque l'un des leurs.

Laissé seul devant l'autel, sur lequel reposait une épée. Julian savait ce qu'il avait à faire. Chaque nouveau prêtre, ou a chaque fois qu'un prêtre progressait, ce rituel était accompli. Le rite lui tiendrait également lieu d'épreuve pour clôturer son Paladinat: l'épreuve la plus difficile, celle de la foi et de la confiance absolues en son Seigneur.
Le jeune homme s'empara de la lame et la lança dans les airs. Julian ne doutait pas, la lame s'immobilisa à deux mètres au dessus de lui, pointe vers le bas.
La veille commença. Seul, silencieux, Julian jetait de fréquents regards à l'épée. Bien sûr il savait qu'il ne risquait rien. Mais... et si la lame descendait? Si on le retrouvait au matin, l'épée au sol, une goutte de sang perlant sur la pointe? S'il était chassée de l'ordre? Pire, si par cet échec les Torméens en venaient à la conclusion que le mal en lui avait gagné la bataille?
La lame descendit un peu.
Julian ne devait pas douter, ni avoir peur! N'avait-il pas eu suffisamment de preuves que le Véritable veillait sur lui, éclairait sa route, qu'il était destinée à le servir? Le jeune homme pria, apaisant ses doutes.
La lame s'immobilisa à nouveau.
Les heures passants, ses pensées dérivèrent à nouveau sur ses craintes refoulées. « Et si la peur des gens m'empêche de faire mon devoir? Si je n'arrive à jamais rien accomplir? »
La lame recommença à descendre.
Non, le novice recommençait à se laisser envahir par la peur. On aurait peur de lui s'il donnait des raisons d'avoir peur. Et ce ne serait pas le cas. Car Julian n'était plus Tiefflin que par l'apparence, ses pulsion maîtrisées à présent. Le jeune homme serait Prêtre Paladin avant tout et seul un être mauvais peut craindre un servant de la Loyale Fureur.
La lame s'arrêta..
Ne se laissant plus distraire, le jeune homme passa le reste de la nuit en prière et en méditation. Réfléchissant sur la nature de ses craintes, se rappelant les réponses déjà reçues, celles qui s'étaient imposées d'elle-même.
Julian était prêt.
Sa vie entière l'avait préparé à servir Torm.
Il n'y avait aucun doute à avoir.
Le novice s'en remit à Lui, entièrement, heureux de le faire, à Lui, son Guide, sa Force et sa Voix.
Un vaste univers s'était ouvert à Julian de Clairbois. Son cœur acceptant la bonté et le chemin choisi pour lui-même par le Véritable, la lumière protectrice et bienfaisante contre ses pulsions maléfiques.

L'aube fit découvrir aux Torméens un Julian à genoux, fatigué, en prière, l'épée haut au dessus de sa tête, flottant toujours dans le vide. Souriant et serein comme jamais il ne l'avait été.
Ainsi Julian de Clairbois devint Prêtre Paladin de la Loyale Fureur.
Mais il apprit bien vite que le temps des épreuves ne serait jamais terminé. On avait besoin de la lumière de Torm, ailleurs. Et ce n'était pas en restant la, ou il avait grandit, accepté, qu'il mettrait ses convictions à l'épreuve.
On l'envoya donc dans une région éloignée, inconnue, dont des visions avaient été accordées au haut prêtre... et où il fallait envoyer des servants de Torm.
Avant qu'il parte, le haut prêtre la retint pour des dernières recommandations.
« Mon enfant, tu vas t'exposer au monde. Je sais que ton enfance ne fut pas facile, sous les jugements et la méfiance, s'apaisant au fur et à mesure que ta Foi grandissait. Je suis presque désolé de te voir partir, car tu va à nouveau subir cette épreuve, mais je n'ai pas de crainte, tu es prêt. Souviens-toi toujours de ce que tu es et cela ne t'atteindra pas. Fais-leur voir le Parangon Torméen quand ils ne verront que le Tiefflin. L'ignorance ne doit pas te blesser. Ton existence même est un espoir dans la lutte contre le mal, ne l'oublie pas.
« Je te recommande aux servants de la triade en place et une missive a déjà été envoyée, que j'espère transmise à des frères Torméens ou fidèles de la sainte Triade, pour annoncer ta venue, ainsi que ta condition particulière. Ils seront donc prêts à te recevoir et ne seront pas surpris.
« J'espère avoir bientôt de tes nouvelles, mon enfant. Et n'hésite pas à te confier à nos frères que tu rencontrera... que ce nouveau continent devienne ton foyer, que tu y trouve un refuge au temple Torméen sur place. Qu'il te voie sourire, qu'il te voie serein, qu'il te voie t'épanouir, qu'il voie ta confiance en toi et ta Foi renforcées pour mieux accomplir ta mission.
« Et, enfin... tu vas beaucoup nous manquer. A Kalina, Telem, Nazed et à moi particulièrement.
« Va en paix, mon enfant, que la Loyale Fureur guide ton cœur et ton bras dans les heures les plus sombres. »

Après des adieux émouvants avec ses proches, et avec les fidèles et officiants du temple qui l'avait vu grandir et obtenir sa première victoire, Julian de Clairbois prit le navire qui devait l'emmener à Port Embria.